Hermès : Grace Wales Bonner, la nouvelle poésie du vestiaire masculin
Un souffle nouveau dans les ateliers
Le matin tombe sur le Faubourg Saint-Honoré et, déjà, l’air des ateliers Hermès semble vibrer d’un frisson inédit. Véronique Nichanian, après 37 années passées à façonner le vestiaire masculin de la maison, laisse sa place. Ses silhouettes ont toujours été d’une précision presque silencieuse : tweeds légers effleurant les épaules, manteaux de cachemire glissant sur la peau, pantalons fluides aux teintes miel, gris perle, kaki subtil. Tout respirait l’artisanat, le luxe discret, l’élégance retenue.
Aujourd’hui, c’est Grace Wales Bonner qui prend les rênes. À 33 ans, cette créatrice britannique venue de Central Saint Martins apporte un regard nourri de mémoire et de culture. Depuis 2014, sa maison éponyme mêle tailleur européen, héritage afro‑atlantique et art contemporain. Chaque détail, du cauri incrusté à la broderie discrète, raconte une histoire, chaque couture est un geste de mémoire, presque un murmure.
Héritage et réinvention
Les vêtements de Nichanian semblaient suspendus dans le temps. Les matières, douces et respirantes, dessinaient des silhouettes harmonieuses. Wales Bonner, elle, apporte un souffle narratif.
Imaginez un trench classique en cuir de veau lisse, où la lumière se joue des nuances de bleu nuit et de brun chocolat fumé. Ou un blouson universitaire en velours côtelé vert émeraude, doublé de satin mat, dont la caresse contre la peau est presque sensuelle. Les manteaux en cachemire épais enveloppent le corps comme un souffle chaud, tandis que les pantalons en laine mérinos glissent avec légèreté. Les accessoires — ceintures fines, sacs en toile délicatement lambrequinée, chaussures sculptées — deviennent de petites histoires tactiles, où chaque geste révèle une intention.
Pierre-Alexis Dumas, directeur artistique général, évoque un dialogue parfait entre héritage et modernité : « Son approche allie artisanat, culture et élégance, un vrai dialogue avec l’esprit Hermès. »
Une transition mesurée
La première collection Hermès signée Wales Bonner est prévue pour janvier 2027. D’ici là, les codes hérités de Nichanian continueront de guider les ateliers. Hermès fait exceptionnellement l’impasse sur la collection masculine de juin, geste rare, presque cérémonial, qui honore le passé tout en laissant émerger une vision nouvelle.
L’identité Wales Bonner
Grace Wales Bonner joue avec les textures comme un peintre avec ses couleurs. Velours, cuir souple, satin mat, tweed façonné à la main : chaque tissu invite à l’expérience tactile. Les couleurs vibrent doucement : bleu nuit comme un ciel d’hiver, vert forêt au crépuscule, brun chocolat comme l’écorce d’un vieux chêne. Les accessoires racontent des histoires : chaussures en cuir sculpté, ceintures gravées, sacs subtilement décorés.
Sa nomination est historique : première femme noire à diriger la création masculine d’une grande maison européenne. Son arrivée incarne un souffle inclusif et poétique, où chaque vêtement devient un dialogue entre héritage et modernité.
Un vestiaire à toucher, à vivre
Sous son impulsion, Hermès pourrait offrir un vestiaire où audace et sobriété cohabitent. Les blazers structurés se mêlent à des manteaux fluides. Le velours côtelé glisse sous les doigts, le cachemire caresse la peau, le cuir poli reflète la lumière des ateliers. Chaque détail devient expérience : toucher un tissu, sentir la chaleur d’une laine, admirer le poli d’un cuir, observer le mouvement d’une coupe parfaitement étudiée.
Les couleurs et textures, harmonieusement contrastées, font vibrer le regard et éveillent le sens du toucher. Hermès reste fidèle à son essence, mais s’ouvre à un souffle narratif et poétique, où sophistication et sensorialité se conjuguent.
Une ouverture poétique
La nomination de Grace Wales Bonner est le début d’un chapitre inédit. Ce n’est pas seulement un changement de direction, c’est une invitation à ressentir le luxe autrement. Entre mémoire et modernité, tradition artisanale et inventivité intellectuelle, Hermès prépare un vestiaire réinventé. Le lecteur peut presque caresser le tissu, sentir le cuir, admirer la coupe et percevoir le souffle poétique qui traverse chaque pièce.
Le luxe devient une expérience totale, tactile, émotionnelle et intellectuelle. Et tandis que les ateliers travaillent, que les mains des artisans effleurent chaque matière, le monde de la mode retient son souffle. Hermès, sous le regard de Grace Wales Bonner, s’apprête à révéler un vestiaire masculin où chaque geste, chaque matière, chaque couleur raconte une histoire.
Crédit : Malick Bodian